Retour sur la conférence

Depuis deux ans, la contribution de l’hydrogène à la décarbonisation de l’industrie et des mobilités est passée du signal faible à celui de levier majeur. La petite molécule a désormais sa place dans la communication des entreprises et dans les programmes politiques. En ce qui concerne la mobilité, elle est largement associée à la pile à combustible en tant qu’alimentation en énergie électrique complémentaire au stockage embarqué par batterie.

Il est néanmoins une application qui après avoir brièvement fait son apparition dans le champ médiatique à la fin des années 2000 semblait avoir disparu des fléchages technologiques animant la mutation de notre industrie. Il s’agit de celui de la combustion directe d’hydrogène dans les moteurs à combustion interne.

La marche rapide vers la suppression des polluants et des émissions et les limitations de performance liées au véhicule électrique a conduit l’industrie à reconsidérer cette approche qui n’est désormais plus totalement marginale.

C’est la constatation qui a été faite par la Communauté d'Experts Technologies des Chaînes de Traction de la SIA et qui a ressenti le moment comme étant propice pour réunir l’ensemble des acteurs dans le cadre d’une conférence dédiée.

Noureddine GUERRASSI
Président de la Communauté d'Experts Technologies des Chaïnes de Traction

Cette conférence s’est organisée en collaboration avec l’Ecole des Arts et Métiers de Châlons-en-Champagne, qui dispose d’une cursus dédié la combustion des moteurs. Le laboratoire Prisme de l’université d’Orleans qui travaille également sur ces sujets était associé à l’évènement.

Ce sont plus de 150 participants originaires de 6 pays qui ont fait le déplacement jusqu’à Châlons le 15 mai, dépassant ainsi largement les prévisions établies pour ce premier événement dédié a un sujet encore très spécifique.

Mais qu’est ce qui fait la spécificité d’un moteur à combustion interne fonctionnant à l’hydrogène ?

Fondamentalement, il s’agit d’un moteur à piston alternatif très comparable à un ensemble alimenté au Diesel ou à l’essence et c’est une des raisons qui justifie l’engouement que cette opportunité suscite auprès des industriels. En effet, un tel moteur permettrait d’utiliser des capacités industrielles existantes tout en autorisant une suppression quasi complète des émissions et des polluants. En bref, non pas le moteur qui fonctionnerait avec de l’eau mais le moteur qui en produirait….

Dans le détail, un tel moteur serait doté d’une culasse spécifique fort probablement à injection directe et d’une chambre de combustion adaptée au comportement particulier du front de flamme généré par la combustion de l’hydrogène. En outre, le système d’alimentation serait spécifique afin d’assurer la détente du gaz stocké à 700 ou 350 bars à des valeurs d’injection de l’ordre de 30 a 70 bars. L’ensemble du système devra également faire l’objet de soin attentifs quant à son étanchéité afin d’éviter les fuites de molécules beaucoup plus petites que les chaines carbonées essence ou diesel.

Finalement, le système de dépollution serait assez similaire à celui d’un système diesel avec un catalyseur d’oxydation permettant d’éliminer totalement les quelques traces d’oxydes de carbone produites par la combustion de l’huile et d’un système de réduction catalytique (SCR) traitant les oxydes d’azote dus à la haute température de combustion.

Cette technologie étant très adaptée pour les moteurs de forte cylindrée et soumis à des fortes charges, la présence d’acteurs comme IVECO ou VOLVO TRUCKS était attendue au même titre que des bureaux d’étude spécialisés dans les moteurs tels que FEV, AVL ou IAV.

Il était néanmoins inattendu de compter parmi les participants ALPINE, FERRARI ou TOYOTA MOTORSPORT dont les champs d’application apparaissent comme très éloignés de la cible initiale.

L’explication de ce paradoxe était donné en séance par un des représentants de Ferrari, venu spécialement de Maranello pour le congrès : la combustion hydrogène pourrait être la condition de la survie des moteurs d’exception qui ont fait la réputation de la marque et qui attirent ses clients.

Le congrès s’est conclu sur une note positive, constatant le potentiel industriel, écologique et de prestations des solutions de combustion hydrogène qui pourraient potentiellement apparaitre sur le marché dans les toutes prochaines années.

Que ce soit pour les poids lourds ou les véhicules de sport, l’ensemble de ces potentiels restent néanmoins suspendus à l’orientation des règlementations que ce soit en Europe et sur les autres marchés majeurs.

Le rendez-vous est d’ores et déjà pris pour le Printemps 2023, échéance à laquelle le laboratoire PRISME d’Orléans accueillera la deuxième édition de ce congrès avec la promesse de disposer de démonstrateurs et de véhicules roulants.